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Remarques et réflexions
6 août 2011

ne pas dire pour ne plus souffrir

J'ai deux frères, l'aîné se pique d'auto hypnose, à laquelle il est venu par le biais de la magie et la scène. Il a suivi quelques formations et voit les applications thérapeutiques. Il applique la loi du marteau "donnez un marteau à un enfant et tous les objets qui l'entourent se transformeront en clous". Il propose à tout le monde de les hypnotiser parce que c'est bon pour eux. Je suis un grand défenseur, partisan de l'hypnose que j'utilise énormément, régulièrement avec succès pour traiter mon anxiété et m'apaiser. Une sorte d'anti dépresseur analgésique en auto administration si je puis dire. Cette certitude de détenir la vérité chez mon frère aîné m'agace. L'hypnose ne résoud pas tout et loin de là. 

Il a proposé à toute la famille de les hypnotiser. J'ai refusé. Il est mon frère, pas un tiers neutre ce qui change tout. Et puis, je n'ai pas suffisamment confiance en mon frère pour me laisser aller et lâcher prise vis à vis de ses suggestions. Mon autre frère, cadet, dont je suis très proche, a refusé également mais pour d'autres raisons que moi. Il a refusé de se mettre en état hypnotique avec les suggestions et la présence de mon frère aîné pour ne pas parler à nouveau de ma soeur ni de ce qui s'est passé.Il n'a pas envie que cela revienne, ni le réévoquer.

J'ai été surpris. Je connais moins mon frère que je ne le pense.Quoique...j'aurais pu m'en douter.

Quelques jours après le suicide de ma soeur, ma femme de l'époque m'a froidement expliqué que c'était la meilleure chose qui pouvait arriver. Je l'ai mal pris. Ce propos fait sans parties des raisons qui m'ont décidées à divorcer.Je n'allais pas bien. L'événement a déclenché un retour de mémoire d'une violence que je n'aurais jamais imaginée. Comme j'aime le dire parfois, je suis alors "passé du coté obscur de la force". Une psychiatre m'avait donné le conseil d'en parler à ceux de mon entourage qui avaient vécu les mêmes événements. J'ai d'abord essayé d'en parler avec mes parents, ma mère en particulier qui m'a cloué le bec comme elle seule peut le faire, par cette phrase fermant toute discussion "Vous n'avez pas soufferts, ton père et moi avons souffert mais pas vous". Je n'en ai plus jamais parlé de quoi que ce soit qui se rapproche de notre histoire, ni avec elle ni avec mon père. J'ai parlé à mon frère cadet, celui qui a refusé récemment les séances d'hypnose proposées par mon autre frère.

Je travaillais alors sur les Champs Elysées. Nous nous retrouvions à la sortie du travail certains soirs. Il me disait "J'ai envie d'un Mac Do". Nous allions à celui du haut des champs, près de l'Arc de Triomphe et qui a disparu depuis. Nous évoquions ce que nous avions vécu, ensemble mais également alors que l'autre n'était pas là. Il me parla de la soirée, la veille des épreuves du bac, de ma soeur le frappant avec un gros thermomètre baromètre monté sur bois. Je lui parlais de la fois où elle avait sorti un couteau de cuisine, dont il ne se souvenait pas. Il me parlait de sa rage qui ne passait pas.

A ce moment, s'est construite une autre forme de relation à mon frère. Nous étions proches, nous le sommes restés. Il peut ne pas m'appeler, me voir ni donner de nouvelles pendant des semaines, voire plus d'un mois mais il n'y a aucun doute ni inquiétude chez moi. Je sais que nous sommes liés et attachés l'un à l'autre. Lorsqu'il y a un gros, un vrai problème nous nous appelons.

Il y a quelques années, il a été admis aux urgences. Heureusement qu'il était à Paris à ce moment là, sinon j'aurais aujourd'hui perdu également un frère. Je suis allé aux urgences pour le voir. Une fois dans la chambre, il a demandé à sa femme de nous laisser, ainsi qu'à nos parents. Il souffrait. Il m'a dit qu'il était content de me voir. Il ne voulait voir personne d'autre que moi. Il m'a demandé de lui masser le bas du dos pour tenter d'apaiser la douleur, sans succès. Ce fut la morphine qui le soulagea.

Quelques mois plus tard, il revenait d'un déplacement à l'étranger. Il m'avait appelé pour me demander si je pouvais l'accueillir à dormir et l'emmener aux urgences tôt le lendemain matin, voire la nuit si la situation se dégradait. Il avait des sensations qui l'inquiétaient. Il devait aller chez mes parents dormir, habitant à l'époque à Londres, mais il leur dit simplement qu'il préférait être chez moi. Il ne voulait pas que j'en parle à qui que ce soit. Je l'ai emmené aux urgences le lendemain matin tôt. Il n'avait rien finalement. Mes parents m'ont appelé pour avoir des informations que je n'ai pas données. C'était à mon frère cadet de décider de ce qu'il voulait dire et à qui.

Comme dit Goldman dans sa très belle chanson "Veiller tard" : "ces liens que l'on sécrète et qui joignent les êtres."

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