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Remarques et réflexions
16 avril 2019

Critique du dernier livre de Daniel Zagury - La barbarie des hommes ordinaires

J'ai lu le dernier bouquin de Daniel Zagury "La barbarie des hommes ordinaires" ici.

Je la recopie ci-dessous :

Comprendre comment des personnes que rien ne distingue de vous ou moi peuvent devenir des criminels est un sujet passionant qui m'a poussé à acheter l'ouvrage. J'ai été très déçu tant par la forme que le fond. Certes, Daniel Zagury est de toute évidence un homme d'écoute, d'un grand humanisme et empathie. L'auteur refuse les généralisations ou les catégories pratiques et faciles comme "pervers narcissique" qui sont une sorte de fourre tout pratique mais inopérant et indéfini. Cela ne suffit pas malgré tout à faire un bon livre.

Le choix des cas relatés semble arbitraire et sans cohérence. Pourquoi parler des mères qui tuent leur nouveau né, et pas des cas de violences parentales et sévices aux enfants sous couvert d'éducation, qui mènent parfois à la mort ? Pourquoi ne pas aborder le cas des violeurs d'un soir qui ne sont pas des violeurs en série ? Enfin pourquoi revenir sur le procès Eichmann en donnant un long chapitre de commentaires de l'ouvrage de Arendt pour dire qu'elle avait raison ? L'auteur annonçait ne pas vouloir revenir sur le cas des tueurs en série pour parler des personnes qui basculent dans le crime sans que cela soit compréhensible à première vue. Or Eichmann ne fait pas partie de cette catégorie de criminels, c'est le moins que l'on puisse dire.

Enfin l'analyse tourne vitre très court comme souvent chez les psychanalystes, qui entendent ne faire référence qu'aux auteurs qui ont le label "psychanalyse" et Freud au premier rang. Aucune mention aux travaux de neuro-sciences, aucune référence aux recherches universitaires sur le sujet pourtant abondantes dans le monde, à la psychologie cognitive ou behavoriste ou du développement qui donnent pourtant des éclairages intéressants. Comme l'écrit l'auteur "J'aurai constamment recours à une clinique "psychodynamique"" (p.14). Entendez psychanalyse et exclusivement psychanalyse. Le point de vue est un peu étroit à mon goût, regarder au delà de la psychanalyse eut été intéressant et enrichissant.

Du coup, lorsqu'il s'agit de différents entre jeunes qui dégénèrent en crime il n'y a que 8 pages. Il décrit des situations telles qu'on les voit dans les reportages télé puis c'est à peu près tout. Il est vrai que les grands classiques de la psychanalyse n'en disent pas grand chose. Tout au plus s'agit il de "lèse narcissisme" et d'incapacité de penser. Nous sommes dans le symptôme et pas la cause. Le jeune n'a pas supporté une parole qui a pour lui porté atteinte gravement à l'image de lui même. Cela s'expliquerait par un problème de "lèse narcissisme". En logique cela s'appelle une tautologie. C'est un peu comme si un médecin expliquait que le patient a de la fièvre parce que la température augmente. Cela décrit mais n'explique rien. C'est dire la même chose différemment.

Par ailleurs il est assez affligeant de lire un psychiatre balayer d'un revers de manche sans aucune argumentation, les "thérapies d'affirmation de soi" et de les amalgamer implicitement aux comportements de ces jeunes meurtriers (p.80).

Enfin, l'un des principaux ressorts pour Daniel Zagury serait l'incapacité de verbaliser les émotions et élaborer psychiquement, de penser (par exemple p. 192). C'est un thème récurrent chez les psychanalystes, mais l'explication ne me convainc pas. De nombreux 'taiseux' pour reprendre l'expression populaire, plutôt que le terme de "carence élaborative", sont respectueux d'autrui et ne sont pas nécessairement des criminels. Une fois encore, la thèse paraît faible.

Je sais, j'aurais dû me méfier lorsque je l'ai vu sur le rayon du libraire du quartier, mais je me suis laissé prendre. Ce n'est qu'au fil de sa lecture que la faiblesse de l'argumentation psychanalytique m'est apparue.

Il y a pourtant d'excellents bouquins sur le sujet de la psychologie des criminels. Je pense surtout à des livres en anglais.

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