Idéologie sarkoziste

Dans son discours à Bercy, le 29 avril 2007, M. Nicolas Sarkozy a affirmé que « Mai 68 nous avait imposé le relativisme intellectuel et moral » :  « Les héritiers de Mai 68 avaient imposé l’idée que tout se valait, qu’il n’y avait donc désormais aucune différence entre le bien et le mal, aucune différence entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid. Ils avaient cherché à faire croire que l’élève valait le maître, qu’il ne fallait pas mettre de notes pour ne pas traumatiser les mauvais élèves, et que surtout il ne fallait pas de classement. Que la victime comptait moins que le délinquant. » « Dans cette élection, a-t-il poursuivi, il s’agit de savoir si l’héritage de Mai 68 doit être perpétué ou s’il doit être liquidé une bonne fois pour toutes. »

Ce discours est digne des discours des régimes les plus extrêmes, des régimes totalitaires d'inspiration marxiste. C'est un discours idéologique au sens le plus traditionnel du terme au sens le plus marxiste même (pour ceux qui ont le temps, le texte de Marx vaut le détour : http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Id%C3%A9ologie_allemande). Sarkozy dénonce une vision du monde qu'il juge erronée, celle de Mai 68. Il le fait au nom de valeurs supérieures et absolues "le Bien, le Mal, le Laid, le Beau". Le procès est de mauvais gout et digne des conflits idéologiques dont le 20ème a tant souffert. S'il est un angle d'attaque pour polémiquer à éviter c'est bien celui qu'a choisi Sarkozy.

Analysons sommairement la sémantique du propos : le mot qui saut aux yeux pour moi est celui de "liquider", car cela s'associe pour moi à liquider le bourgeois, liquider les juifs durant la guerre, liquider l'opposition. Ce terme est haineux. Que Nicolas Sarkozy ne se reconnaisse pas dans Mai 68, c'est son droit le plus strict. Que cela ne fasse pas partie de ses références historiques positives et que cela ne guide pas son action politique n'est pas pour me surprendre. Faut il pour autant utiliser ce terme si connoté de "liquider" ? je ne le pense pas, et heureusement, l'histoire du 20ème incite à la prudence et à ne pas prendre au pied de la lettre ce propos. Son propos outrancier n'a heureusement pas été suivi d'autodafés des ouvrages soupçonnés d'être d'inspiration Mai 68. Certes il y a eu des dérives et des récupérations de Mai 68. Mais faut il pour autant "liquider l'héritage" ?

Ce que propose Sarkozy, ou plutôt ce qu'il a proposé et qui lui a permis de récolter 53% des suffrages, est un schéma de rapports de force, de lutte entre le bien et le mal. Ce qui est en scène dans son discours, ce sont des Idées. Il s'agit de partir de ces idées et de renier toute histoire réelle quand elle ne lui convient pas. L'idée doit faire la peau à la réalité historique, la "liquider". Il utilise de vieux ressorts réthoriques, qui me font penser à la critique marxiste de la société. Cette réthorique est éculée, et il est urgent de faire évoluer nos schémas de pensée.