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Remarques et réflexions
3 juin 2012

Michéa ou le risque de falsification de Orwell en anti libéral

J'étais dans la voiture en train d'aller chercher mon fils chez sa mère. Le samedi matin, il y a l'émission Répliques sur France Culture animée par Alain Finkielkraut. Je l'écoute même si Finkielkraut m''exaspère. Il a parfois de bons intervenants. Hier je l'ai écouté du coté de la porte de Montreuil. Je n'ai pas fini l'émission devant sortir à Porte des Lilas et allant juste derrière, non loin de la place des Fêtes. Hier il interviewait Jean Claude Michéa sur son dernier livre "Le complexe d'Orphée'.

J'ai cherché sur Jean-Claude Michéa et ai pu écouter et lire différentes interventions et interviews. Je vais acheter l'un de ses livres car je ne suis pas d'accord avec nombre de ses thèses, mais j'ai besoin de comprendre et analyser l'articulation précise de la pensée pour identifier où cela coince.

De prime abord, mon problème provient de ses thèses anti-libérales s'appuyant sur Orwell. Je suis un grand admirateur de l'oeuvre de George Orwell. Utiliser ses écrits pour en faire un anti-libéral a de quoi me laisser perplexe, car s'il est une chose à laquelle Orwell s'est surtout opposée ce furent le fascisme et le communisme. Je ne suis pas un expert de George Orwell mais j'ai du mal à y lire une critique du libéralisme. J'ai l'impression d'une falsification de la pensée de Orwell qui est trahi d'abord et avant tout. Je lis Orwell comme adoptant une position de repli après ses grandes illusions révolutionnaires d'avant guerre. Il est revenu des illusions de grand soir et de transformation de la société pour finalement considérer un projet plus modeste, celui d'une société libérale avec une certaine décence malgré tout, ou pour le dire en des termes plus français, un humanisme. Le souci des conditions de vie de tous, et que personne ne vive dans des conditions indécentes tel est le souci d'Orwell. Réguler un marché du travail, une économie pour que des travailleurs miséreux n'existent plus, tel est le projet et le souhait de Orwell. La décence commune n'est pas une opposition au libéralisme mais une limite à y mettre.

Orwell lorsqu'il invoque une 'common decency' veut surtout s'opposer à une politique fondée sur un intellectualisme et des concepts et des théories philosophiques. Il s'oppose à ces deux systèmes qui ont ravagé le XXème siècle : nazisme/fascisme et communisme. Tous les deux étaient fondés sur une théorie de l'histoire et la 'découverte' de prétendues lois scientifiques qui les régiraient. Les totalitarismes entendent investir tout le champ de l'humain, ne plus faire de différence entre sphère privée et sphère publique et transformer l'homme tout entier. Dans tous les cas, il s'agissait de farie sortir, de créer une nouvelle race d'humain en transformant l'existant, souvent par la violence. Créer une race nouvelle, ou un homme nouveau, se faisait par l'élimination des "mauvaises" caractéristiques de l'humain, et viser à les remplacer par les "bonnes". Le tout fondé sur des certitudes prétendûment scientifiques, un soi disant Darwinisme ou vérité de l'histoire. Ceci a remarquablement été développé par Hannah Arendt dans 'Les origines du totalitarisme'. Il n'est pas besoin d'y revenir.

Le libéralisme, la pensée moderne ne met pas de contenu a priori dans l'humain, sa vie, ses valeurs. Là dessus Michéa a raison. Le danger est de tout permettre au nom de ce libéralisme et de la protection des libertés. A cela, Orwell voulait qu'une limite soit mise pour respecter l'humain et empêcher qu'il ne soit broyé par une société toute puissante, par des personnes au pouvoir, qu'il soit économique ou social. Il s'agit de ne pas laisser libre cours à la loi du plus fort et transformer les rapports sociaux en purs rapports de force. Orwell ne voulait pas aller au delà de ce minimum qu'est la "décence commune" pour éviter tout risque de totalitarisme, fascisme, stalinisme ou communisme, mais il ne tolérait pas non plus le laisser faire qui laisse vite la place au rapport de force pur et simple au service des égoïsmes. C'est ainsi qu'il faut, à mon sens, entendre le terme de "décence commune".

Y voir un anti-libéralisme me paraît très tiré par les cheveux et une falsification de la pensée de George Orwell.

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Commentaires
S
Si je ne me trompe pas, Michéa explique qu'on peut être contre le communisme et le fascisme tout en étant anti-libéral. Pour Michéa défendre les libertés individuelles n'est pas l'apanage du libéralisme (cf. Machiavel qui était un républicain et qui défendait pourtant les libertés individuelles).
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M
Bonjour,<br /> <br /> L’intérêt que vous portez à Hannah Arendt, et la confiance que vous lui faites, me portent à vous indiquer l’étonnement qui est le mien à lire, avec la plus grande attention, « Les origines du totalitarisme ». Vous en trouverez la marque dans :<br /> <br /> http://crimesdestaline.canalblog.com<br /> <br /> Très cordialement à vous,<br /> <br /> Michel J. Cuny
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