Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Remarques et réflexions
11 octobre 2009

finkielkraut, internet et l'autorité

Alain Finkielkraut n'aime pas internet. Ce n'est pas un scoop, ni franchement une nouvelle. La question qui m'intéresse est pourquoi ? Pour quelle raison, car il s'agit d'un thème récurrent depuis de nombreuses années. Alain Finkielkraut n'a pas de mots assez durs, et méprisants et sans appels vis à vis d'internet. Le registre mérite d'être noté. Dans son interview de mai 2009 il nous dit "l'internet est une poubelle",

 


Pour Finkielkraut, internet est une poubelle
envoyé par asi. - L'info video en direct.

 

 

Sur la vidéo prise par le journal Libération, en marge de débats que le journal avait organisé il nous dit "Il me semble qu'internet est l'instrument privilégié du n'importe quoi".

L'échange avec Yves Michaud sur France Inter est encore plus intéressant. Je ne saurais trop recommandé de prêter attention au langage corporel et non verbal d'Alain Finkielkraut, il en dit long.



Alain Finkielkraut et Yves Michaud - France Inter
envoyé par franceinter. - L'info video en direct.

Finkielkraut s'emporte, se met en colère, et essaie de faire taire en haussant le ton. Cela peut marcher parfois, mais en l'occurence cela ne marche pas. Je suis frappé par l'absence d'argumentation et de démonstration. Alain Finkielkraut assène des vérités sur un ton catégorique, puis lorsque son interlocuteur conteste, il utilise le registre émotionnel strictement dans une théâtralité savamment dosée. Yves michaud lui dit "vous êtes un imprécateur" dans l'échange qu'ils ont au cours de l'émission sur France Inter. Il se pourrait bien qu'il ait raison.

Pour Finkielkraut, l'internet n'a pas de légitimité car la voix qu'il exprime ne le fait pas sous le contrôle des professeurs et des élites dont il fait partie. L'internet parle, éructe, s'emporte, réfléchit et critique librement.  Alain Finkielkraut ne peut exercer son autorité sur l'internet, il est face à un problème majeur. Son schéma implicite de fonctionnement d'une société civilisée, évoluée, gouvernée par la Raison et des valeurs républicaines, vole en éclat avec l'émergence de l'internet. Il est sincèrement persuadé que ce système de fonctionnement est le seul qui garantisse la liberté, l'émergence de la Raison, et des droits de l'homme. Il se pourrait qu'il se trompe.

Finkielkraut est dans la tradition française des mandarins contre lesquels les étudiants de 68 se sont élevés. Il a une vision de la discussion, du débat fondée sur le principe que seuls ceux qui savent et détiennent le savoir, la culture sont autorisés à parler et à juger. Au sommet de la pyramide, il y a la Raison, les valeurs de la République que je ne conteste pas car je m'y reconnais. Ces valeurs sont universelles, ce à quoi j'adhère. La Raison parle par la bouche des lettrés, des universitaires. L'expression spontanée sur internet ne rentre pas dans cette catégorie, aussi, elle est un désordre comparable à celui des élèves qui gênent le cours du professeur. Les élèves ne doivent parler que lorsque le professeur les y invite. Selon cette conception, ce schéma d'analyse de l'expression, l'internet ne peut qu'être une poubelle, du n'importe quoi. Alain Finkielkraut ne peut pas remettre en cause son schéma de pensée, la révision serait trop radicale et douloureuse sans doute. Elle obligerait à des remises en cause qui ne sont pas strictement nécessaires dans sa vie quotidienne ou professionnelle. Après dans dans un amphithéatre de polytechnique où il donne son cours, comme au cours d'un débat qu'il anime sur France-Culture, le système d'échange et de communication sont conformes à ses schémas. Face à l'internet, cela ne fonctionne plus et il réagit assez classiquement, en haussant le ton. J'ai souvent l'impression d'entendre Finkielkraut dire dans ses interviews "Je suis le professeur ! Je connais la réponse, et vous ne répondez pas correctement à la question alors taisez vous, retournez à votre place". Il invoque la Raison et l'universalité pour en conclure qu'il en est le détenteur et partant, il sait, il faut se taire et l'écouter.

Je me souviens avoir envoyé un courrier à Alain Finkielkraut, il y a bien longtemps après avoir lu un de ses livres que je trouvais très biaisé et partial, pour engager le débat et discuter sa vision des choses. Je l'avais envoyée à son éditeur. Je n'ai jamais eu de réponse. Le professeur ne répond que s'il le juge pertinent et nécessaire.A l'époque, je  l'estimais. J'ai bien déchanté, ce d'autant plus que j'ai eu l'expérience inverse avec des professeurs américains. Ils se font souvent un devoir de répondre aux mails anonymes et aux courriers, sans prendre personne de haut.

Le schéma alternatif que Finkielkraut ne voit pas, n'envisage pas considère que la liberté de parole est fondamentale et qu'internet en est un moyen. L'expression spontanée est certes dangereuse, comme toute expression. Churchill n'a t'il pas dit "la vigilance est le prix éternel de la liberté" ?

Le système cher à Finkielkraut n'est pas sans danger non plus.  L'université française a accueilli les révisionnistes avant de les éjecter. Il repose sur la sagesse, la lucidité et la vigilance de quelques uns. L'université, et le système que Finkielkraut défend comme le seul viable et raisonnable, est fondé sur l'attribution du pouvoir à quelques uns, cooptés sur la base de leur savoir, de leur connaissance. Ce pouvoir donné à quelques uns peut être également dangereux, et n'est pas la panacée. Les universitaires allemands n'eurent aucun problème à devenir nazis s'il le fallait. Heidegger en est un bon exemple. Il y a des risques et limites à tout système, il faut les connaitre pour rester vigilant. Internet ne repose pas sur un système de communication où ne s'expriment que ceux à qui le prof a donné la parole. Aussi, internet oblige à prêter attention aux arguments, oblige à répondre, débattre et ne pas s'appuyer sur des arguments d'autorité. Il n'y a pas le professeur qui distribue le temps de parole du haut de sa grande sagesse, mais un système bien plus anarchique où d'autres règles d'organisation du débat prévalent. Est ce mieux ? Je le pense. Quoi qu'il en soit, le schéma classique de régulation du système des débats, reposant sur une personne ou une autorité a priori, ne fonctionne pas avec internet. Alain Finkielkraut ne peut s'y faire, ni s'y résoudre, ce n'est pas le mépris et les termes péjoratifs qui vont y changer quelque chose.

Publicité
Publicité
Commentaires
Remarques et réflexions
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité