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Remarques et réflexions
29 mars 2009

Moins punir pour bien punir

La punition est un réflexe ancré dans nos habitudes et notre idée de ce qu'est éduquer. "Spare the rod and spoil the children" dit le dicton anglais, "qui aime bien, châtie bien" dit on par chez nous...  Après une vague de libéralisation, et de laisser faire excessif, nous assistons au retour d'un discours musclé et répressif. Les bouquins prônant un retour à la punition et en vantant les mérites sortent dans les librairies avec moult conseils. Il ne faut pas aller bien loin sur internet pour trouver des sites expliquant comment punir. Les conseils qu'on y trouve sont l'opinion de l'auteur, ne s'appuient sur rien d'autre que sa conception de l'éducation, des a priori, alors qu'il existe des études très sérieuses, scientifiques et documentées sur le sujet.

En particulier, dire qu'il ne faut pas punir sur le champ est tout simplement faux, et contre-productif. Mais il y a plus dérangeant sur ce site : "Pour l'enfant, la première punition est l'impression de perdre l'amour de ses parents. Dans ce cas, un simple froncement de sourcil suffit. L'enfant voit que sa mère n'est pas contente, il a le sentiment qu'elle ne l'aime plus. " y trouve t-on. Quelle horreur de voir la punition ainsi ! L'amour d'un parent pour son enfant, son attachement est inconditionnel et le remettre en question provoque des angoisses fortes chez l'enfant, qui sont susceptibles d'engendrer des problèmes chez lui plus importants à la longue. La punition est donnée pour faire disparaitre un comportement, et ce, dans un contexte de lien et d'attachement fort entre parent et enfant. Parler d'amour ne fait que brouiller le message, risque de se retourner contre le parent à la longue. N'oublions pas qu'un enfant reproduit ce qu'il voit chez ses parents, aussi, s'il sent un chantage à l'amour, il apprendra à en user sur son entourage, et plus grand, sur ses parents. La règle de Hillel, dans son commentaire du Lévitique : "ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'il te fasse" s'applique d'abord et avant tout vis à vis de nos enfants.

Penser que la punition est LA solution n'est qu'un aveu d'impuissance. Nous sommes passés d'une époque où il ne fallait pas sanctionner, à une époque où il faudrait revenir aux bonnes vieilles punitions. Le laisser-faire absolu et le laxisme, justifiés par un discours "de responsabilisation de l'enfant" n'ayant pas donné de résultat, on revient, par réaction, aux méthodes d'antan, fondées quasiment exclusivement sur la punition. Dans les deux cas, c'est inefficace.

Croire que la seule punition permet d'éduquer correctement un enfant et reste la solution face aux difficultés est tout simplement faux. Alice Miller, dans ses nombreux ouvrages, et en particulier "C'est pour ton bien, origines de la violence dans l'éducation des enfants" en a montré les ravages. Les travaux d'Alice Miller mériteraient d'être relus et replacés dans une démarche behavioriste appliquée, d'éducation positive.

Les études de behaviorisme appliqué ont montré que la punition est indispensable pour éduquer, mais qu'elle n'est qu'un élément dans l'ensemble des techniques d'éducation et surtout, qu'elle doit être utilisée avec beaucoup, beaucoup de retenue. Burrhus Skinner, le père du behaviorisme disait même "Ne punissez jamais !". Ses successeurs ne sont pas d'accord sur le jamais, ils disent en revanche "Ne punissez que très rarement !"

L'époque précédente prétendait éduquer sans aucune punition, or c'est impossible. La punition est indispensable. Puisque l'éducation sans-punition ne fonctionne pas, l'alternative serait le tout punition. C'est également et tout autant inefficace. De plus, la punition utilisée de manière excessive créée un comportement d'évitement chez l'enfant pouvant aller jusqu'à la fugue, ou des comportements de rébellion de plus en plus marqués.

La punition élimine un comportement non souhaité, mais pour être efficace, elle doit surtout être complétée par le renforcement positif du comportement souhaité. Glenn I. Latham a donné la formule mot d'ordre, dans son ouvrage "positive parenting" de "8 positifs pour 1 négatif". Il faut s'attacher à construire le bon comportement chez l'enfant (comme chez toute personne quel que soit son age) d'abord et avant tout.

Ainsi, plutôt que de vouloir "que tu ne restes pas devant la tv toute la journée à ne rien faire", il vaut mieux se dire "je veux que tu travailles 1h dans la journée à tes devoirs, que ranges ta chambre et que tu mettes au sale tes affaires qui trainent sur le sol de la chambre". Ce changement d'approche peut sembler mineur, il est l'une des clés de la réussite. Ensuite, il faut renforcer le bon comportement et tout ce qui s'en approche, fut ce de manière imparfaite et partielle. Il ne travaille que 10 mn ? renforcez, félicitez. Ensuite, après quelques jours avec 10mn, suggérez de travailler 15mn, et récompensez pour cette allongement du temps de travail, et ainsi de suite.

Alors la punition ? Il y a des fois, où il faut stopper le comportement, en particulier lorsqu'il s'agit de violence, d'agressions. Mais même dans ce cas, la règle du "8 pour 1" s'applique : dès que l'enfant s'arrête d'être violent et montre un semblant de comportement pacifique alternatif, il faut renforcer, renforcer, et encore renforcer. L'autre règle à suivre pour bien user de la punition est de retirer un privilège plutôt que d'imposer un désagrément. Il vaut mieux priver de télé pendant une soirée plutôt que de hurler, voire de frapper.

Comme dit Alan Kazdin "il faut surprendre ses enfants à bien se conduire, et les féliciter lorsqu'ils sont pris sur le fait".Pour que la punition soit efficace et ne détruise pas le lien entre parents et enfants, elle doit être rare et limitée, et complétée par un arsenal de renforcement du bon comportement.

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