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Remarques et réflexions
13 décembre 2008

angoisse de la punition

punitionComment définir une punition ? comment lui donner une description qui ne renvoit pas à une valeur morale, au bien et au mal ? comment savoir si un comportement donné est une punition ou une récompense ? Spontanément, chacun pense à mettre en équivalence plaisir, satisfaction et récompense d'une part et souffrance, insatisfaction et punition d'autre part. Une récompense fait plaisir, une punition fait souffrir. Cette définition pose évidemment le problème de sa subjectivité, car le risque se pose de ne voir dans la punition qu'une affaire de goût et de déplaisir, propre à chacun. Il n'est que de penser au masochiste pour que le problème se complique instantanément, pour devenir inextricable. Malgré tout, il est vrai qu'une punition n'apporte aucune satisfaction, sans quoi elle ne serait pas une punition.

Je sais, il y a la définition de Kant dans la Raison Pratique (p 653 Tome  II de l'édition de La pléiades des oeuvres complètes) : "Dans toute punition comme telle, il doit d'abord y avoir de la justice, et celle-ci constitue l'essentiel de ce concept. "Pour Kant, la justice liée intrinsinquement à la punition et réciproquement ; Kant insiste et continue "La punition est donc un mal physique, qui, même s'il n'était pas lié au mal moral, comme en étant la conséquence naturelle, devrait cependant y être rattaché, comme conséquence selon les principes d'une législation morale." Kant entend montrer ici que la morale pure et authentique ne saurait être liée au mal physique ni au bonheur.

Je ne vais pas faire un cours sur le kantisme et le moralisme kantien, il y en a d'excellents en vente dans les bonnes librairies (si, si il y en a...). Malgré tout, en deux mots, Kant a un problème avec la punition, comme avec la récompense d'ailleurs (peut être encore davantage avec la récompense, mais ce n'est pas mon propos).  Sa morale est une déontologie, et non un conséquentialisme du type utilitariste. La punition est l'expression du mal, et il n'y aurait pas de justice, de législation morale sans punition. Néanmoins, cette définition ne convient pas à Kant car dès lors qu'il y a punition et récompense concrète, il n'y aurait plus liberté : "Au reste, considérer toute punition et toute récompense exclusivement comme un moyen mécanique aux mains d'une puissance supérieure, à seule fin de faire agir des être raisonnables en vue de leur fin dernière (bonheur), est bien trop visiblement un mécanisme qui supprime toute liberté de leur volonté pour qu'il soit nécessaire de nous y arrêter" (p. 654 de cette même édition de La pléiade). La punition ne serait que la conséquence du mal moral, et ne devrait pas être envisagée autrement, au risque de perdre toute liberté. Kant sent bien que dans la punition et la récompense, le plaisir et le déplaisir sont implicites, or pour lui, lier les deux nierait la liberté. Il refuse de lier morale et conséquences. Le court texte "D'un prétendu droit de mentir par humanité" est un pur chef d'oeuvre de contorsions intellectuelles kantiennes pour réussir à conclure qu'il ne faut pas tenir des comptes des conséquences dans une décision, mais purement à la maxime morale universelle.

Le problème de Kant est son hypothèse, posée comme une axiomatique, qu'il est nécessaire et possible de faire abstraction de ses désirs, ses aspirations à la satisfaction et à l'évitement des situations désagréables lorsque l'on parle punition et morale. Or en matière de comportement, désir, satisfaction et désagréments, souffrances sont des termes fondamentaux et incontournables. Ce point est partagé par tout psychologue, quelle que soit son école. Il y a un principe de plaisir comme nous l'a appris ce bon vieux Freud, et vouloir l'ignorer ou le nier serait essayer de nous sauver de la noyade en nous tirant nous mêmes par les cheveux, pour reprendre cette magnifique métaphore de Nietzsche dans "par delà le bien et le mal".

S'il faut définir la punition sans référence à une morale, ou un état d'esprit, elle peut être redéfinie dans la logique ABC ou Antécécents - Behavior (ou comportement) - Consequences. Elle est une conséquence d'un comportement. Pas n'importe laquelle, une conséquence qui réduit la fréquence du comportement qui la précède. Par exemple, si un enfant met la main sur le feu et se brûle, il y a de fortes chances qu'il mettra moins la main sur le feu à l'avenir. Le brûlure est une punition. Y a t'il une dimension morale là dedans ? Non, je ne le crois pas. J'avoue ne plus être kantien depuis bien longtemps.

Jusque là, tout va bien, la punition permet d'éliminer un comportement. Le sale gosse prend un gateau sans demander ? une bonne claque et la prochaine il fera attention. et oui, après quelques claques, il ne le fera plus...enfin, pas devant vous. il se cachera, mentira, pour ne pas être puni. Pour que cela marche, il faut simultanément apprendre à l'enfant le comportement souhaitable et le renforcer positivement. Une punition ne peut que diminuer la fréquence d'un comportement, voire l'éliminer, mais pas apprendre le comportement à adopter. La punition ne fait que montrer ce qu'il ne faut pas faire, et pas ce qu'il faut faire, ce qui apportera satisfaction.

Je pense que nombre d'angoisses trouve leur source dans un mauvais usage de la punition. Si je suis puni pour un comportement, mais également puni pour le comportement opposé le seul résultat est l'angoisse face à l'impasse. Je vais m'appuyer d'un exemple personnel : j'ai vécu adolescent dans la chambre mitoyenne de celle de ma soeur, qui avait des crises délirantes de persécution et de violence physique d'autant plus terrifiante qu'elle était plus grande que moi. Je devais me protéger et protéger mon frère. je ne voulais minimiser les contacts avec ma soeur. Mais, mes parents, mûs par des idées généreuses et morales, voulaient que j'aide ma soeur. J'avais des reproches, sentais de fortes désapprobations et du rejet, un refus de m'écouter, lorsque j'essayais d'éviter ma soeur. Une autre punition par conséquent, mais de mes parents. Ainsi j'avais le choix : soit j'essayais d'aider et d'être présent à ma soeur, et j'encourais la punition de ma soeur, aléatoirement, mais avec une probabilité quasi certaine sur une période de plusieurs jours ou semaines. D'un autre coté, si je l'évitais, j'étais puni par mes parents qui me rabrouaient, me rejetaient émotionnellement. Le stress était difficile, pour ne pas dire impossible, à gérer. Quoi faire ? quelle issue ? Je n'en voyais aucune, sauf à partir, mais je n'arrivais pas à l'envisager, c'eut été une fugue.

Le résultat ? de grosses angoisses, et un travail thérapeutique dont je ne suis pas sûr d'être sorti.

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